Il y a des Vérités qui sont innées à l’esprit humain, mais elles sont en quelque sorte enfouies dans la profondeur du «Cœur» — dans le pur Intellect — et ne sont accessibles qu’au regard spirituel; ce sont les Vérités métaphysiques fondamentales, la Sagesse immuable de l’humanité.
Dans sa poésie, Frithjof Schuon entend communiquer, avec la beauté d’un chant passant sur une lyre, les Vérités intemporelles de Dieu. Il les destine aux cœurs ouverts et assoiffés parmi les hommes de notre temps.
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Platon déjà avait exprimé le fait qu’il était dans la nature du Bien de se communiquer. C’est par une double voie que Schuon y parvint: par ses essais et par sa poésie. La prose didactique de Schuon s’adresse a priori à l’Intellect, tandis que sa poésie entend atteindre le cœur. Comme mentionné plus haut, ce sont ici les vérités cachées — dans la profondeur du cœur et dans le pur Intellect — que Schuon voudrait rendre accessibles. Cœur et Intellect, Amour et Connaissance, sont les clés de la Réalité et de la Vérité, de la Connaissance de l’Absolu. Qui connaît l’Absolu — ou «qui croit en Dieu» — ne peut pas, d’après Schuon, en rester à cette connaissance pensée ou à cette foi mentale; il doit aller plus loin et intégrer son être entier dans cette connaissance ou cette foi, non sous le seul mode mental, car, par leur nature intrinsèque et leur contenu, celles-ci exigent et offrent plus que la simple pensée. L’homme doit «devenir ce qu’il est». Cette nécessité évidente comprend la religion la plus simple et la métaphysique la plus profonde, chacune à sa façon. Car il y a quelque chose que l’homme doit savoir et penser; et quelque chose qu’il doit aimer et être. Il doit savoir que Dieu est l’Être nécessaire, lequel par conséquent se suffit à Lui-même; qu’il est ce qui ne peut point ne pas être, tandis que le monde n’est que le possible, ce qui peut être ou ne pas être.
De plus, l’homme doit vouloir ce qui l’approche de Dieu directement ou indirectement, tout en s’abstenant de ce qui l’éloigne de Dieu, sous les mêmes rapports.
Et enfin, l’homme doit aimer ce qui est conforme à Dieu; il doit aimer le Bien, et comme le Bien dépasse nécessairement les limitations de l’ego, l’homme doit tendre à dépasser ses propres limites faites d’étroitesse et de faiblesse. Il faut aimer le Bien en soi davantage que l’ego; et c’est cette connaissance de soi et cet amour désintéressé qui constituent toute la noblesse de l’âme. (Cf F. Schuon, Sur les Traces de la Religion pérenne, Le Courrier du Livre, Paris, 1982, pp. 14-15.)
Frithjof Schuon, dont l’œuvre embrasse des thèmes métaphysiques et spirituels ainsi que des considérations sur les ethnies et les races, et compte plus de vingt livres et de nombreux essais parus dans des revues d’étude comparée des religions, a écrit en majeure partie en français, très partiellement aussi en anglais; l’auteur a publié relativement peu de chose en allemand, sa langue maternelle.
On peut par conséquent considérer comme un précieux testament spirituel le fait que le grand Maître, à la fin de sa vie, a communiqué sa sagesse éminente sous la forme concise d’épigrammes et de vers en allemand.
Ces recueils sont grands par leur contenu. Ils prennent place dans la tradition islamique de Saadi, Rûmî et Khayyâm, rappellent les épigrammes de Platon, les poésies didactiques de Opitz et Logau, Angelus Silesius, Lessing, Herder et Rückert.
Selon Lessing, auquel remonte la définition encore en usage aujourd’hui, l’épigramme consiste en deux parties: la première décrit l’état de fait, la deuxième la réponse spirituelle correspondante. Les réponses de Schuon à l’état de fait cité dans la première partie de l’épigramme renvoient pour la plupart à Dieu dans Ses multiples Noms. Il ne s’agit pas du Dieu de telle croyance exclusive, mais du Dieu qui se reflète dans l’unité intérieure de toutes les religions, car ce Dieu ainsi compris est l’ultime réponse à toutes les questions des hommes.
Adapté de l’introduction à l’édition bilingue
allemand-français en dix volumes publiée
aux Éditions Les Sept Flèches, Suisse, 2001-2005.