Le Soufisme, voile et quintessence, de Frithjof Schuon. Première édition: Dervy-Livres, 1980. (Image: édition de 2006.)


“Voile” et “quintessence : deux mots qui marquent une opposition dans l’ordre symboliste et doctrinal et qui se réfèrent respectivement à l’extérieur et à l’intérieur, ou à la contingence et à la nécessité. En discernant dans le soufisme un “voile”, nous l’entendons ici, non dans le sens tout à fait général qui s’applique à toute expression du transcendant, mais dans un sens particulier qui est propre au soufisme historique du fait de sa solidarité avec une psychologie confessionnelle et avec un tempérament ardent.” (Préface)

Traditionnellement ou conventionnellement, on considère le soufisme comme l’ésotérisme de l’Islam. Le présent livre entend montrer que cette définition ne peut être acceptée qu’avec certaines réserves ; en effet, quand on étudie le soufisme sans aucune idée préconçue, on doit se rendre compte qu’il n’est pas l’ésotérisme mais qu’il le contient. C’est dire qu’il y a deux soufismes, un qui prolonge simplement la religion commune dans le sens de la piété, de l’ascèse, de l’imagerie mythique et mystique, et un autre qui est la quintessence du symbolisme religieux et qui, par là-même, le dépasse ; cette quintessence est métaphysique et, par conséquent, universelle.

C’est dire que le soufisme se présente tout d’abord comme un voile et c’est le soufisme général et moyen qui, en pratique, ne se distingue guère du zèle religieux, sauf par certains symbolismes plus ou moins elliptiques; ensuite il se présente comme une quintessence, laquelle coïncide par définition avec toute métaphysique et toute spiritualité contemplative, quelle qu’en soit l’origine traditionnelle.

Bien entendu, le soufisme proprement ésotérique s’appuie toujours sur les symboles fondamentaux de l’Islam, rituels aussi bien que doctrinaux, mais il les réduit à leurs intentions archétypiques et partant universelles et rejoint ainsi ce que nous pouvons appeler la Sophia Perennis.

Dans la littérature soufie, cette quintessence se rencontre partout mais sporadiquement plutôt que sous une forme d’exposé systématique. L’auteur du présent livre estime en tout cas que l’ésotérisme, quels que puissent être les témoignages écrits, résulte en premier lieu de la nature des choses.


Chapitres de Le Soufisme, voile et quintessence

  • Préface
  • Ellipse et hyperbolisme dans la rhétorique arabe
  • La symbiose exo-ésotérique
  • Paradoxes d’un ésotérisme
  • Prémisses humaines d’un dilemne religieux
  • Sur les traces de la notion de philosophie
  • L’ésotérisme quintessentiel de l’Islam
  • Dimensions hypostatiques de l’Unité

Liste des principaux thèmes abordés dans chaque chapitre

Préface

  • Voile? Solidarité du soufisme avec une psychologie confessionnelle
  • Quintessence? Doctrine intégrale envisagée en ce qu’elle a de fondamentale et de nécessaire
  • Il n’y a rien de péjoratif dans la notion de système
  • Les expression doctrinales sont-elles sensées être exhaustives?
  • L’intelligence est-elle toujours conforme à son essence à savoir l’objectivité?
  • Un Islam contingent et un Islam absolu
  • Quelle est l’orthodoxie intrinsèque de l’Islam?

Ellipse et hyperbolisme dans la rhétorique arabe

  • Du stype arabe
  • Des deux pôles du style arabe cristallisés dans les écoles de Koufa et de Basra
  • Du style métaphorique et hyperbolique de la langue arabe
  • Du caractère volontiers indirect de la rhétorique arabe
  • Émotivité fulgurante et profonde générosité de la mentalité arabe
  • Fonction de l’hyperbole arabe
  • Exemples d’hyperbole
  • Des métaphores quantitatives sur l’illimitation du Paradis
  • De l’imagerie infernale
  • Quelle est la fonction de l’utilisation d’images excessives?
  • Encore sur l’émotivité et l’impulsivité
  • Qu’est-ce que le Bédouin, métaphoriquement parlant?
  • La pieuse exagération et la pieuse absurdité se retrouvent partout
  • Il faut se garder de voir dans une certaine rationalité moderne une supériorité totale
  • De la tautologie arabe, exemples
  • De l’énonciation doctrinale moyennant une contradiction, exemples
  • De la question des expression antinomiques dans le Koran
  • Du rapetissement de l’humain
  • Cohérence logique/caractère obscur

La symbiose exo-ésotérique

  • Inspiration et révélation
  • Réflexion et Intellection
  • Raisonnement et vision
  • De l’interprétation des Écritures sacrées, de l’herméneutique
  • Exotérisme et ésotérisme
  • Des Aryens (métaphysiciens et logiciens) et des Sémites (mystiques et moralistes)
  • Des anciens arabes sceptiques et superstitieux
  • Pour le Musulman pieux, la rationalité lui apparaît comme un souvenir païen
  • De l’affinité, paradoxale, entre l’Islam et la gnose
  • La métaphysique soufie solidaire du créationisme antimétaphysique et moralisant des théologies monothéistes
  • Qu’est-ce qui intéresse l’ésotériste?
  • Ce qu’ont en commun Juifs et Arabes: une imagination débordante
  • L’âme arabe est pauvre, mais héroïque et généreuse
  • Richesse pauvre, pauvreté riche
  • De l’intellectionnisme aryen et de l’inspirationnisme sémitique
  • De l’accentuation totalitaire de l’Unité divine en Islam et de celle du Christ dans le christianisme
  • Parenthèse : comparaison entre la Bible et le Koran
  • Les soufis cherchent à combiner deux tendances, le platonisme et l’asharisme
  • Comment la thèse “platonicienne” se trouve-t-elle exprimée dans le Koran?
  • Du raisonnement asharite à propos de ce verset “Dieu fait ce qu’il veut”
  • Le grand mérite d’Ibn Arabî
  • La distinction entre le nécessaire et le possible appliquée au domaine de la pensée et de l’inspiration mystique
  • Il y a donc deux soufismes…
  • De la présence de l’élément “ivresse” en Islam
  • De la danse des derviches
  • Pourquoi existe-t-il de l’étroitesse confessionnelle et même de l’intolérance dans le soufisme?
  • Pourquoi les religions et les théologies ne sont-elles pas tolérantes à l’égard d’autres religions et d’autres théologies?
  • À propos d’une déclaration d’Ibn Arabî sur la religion du coeur
  • Dieu n’est le même pour toutes les religions que dans la “stratosphère” divine, non dans l’ “atmosphère” humaine
  • Des divers niveaux de la piété

Paradoxes d’un ésotérisme

  • Exemples de dialectique excessive
  • Un exemple tiré d’Ibn Arabî (le patriarche Joseph)
  • De l’histoire extravagante de l’épingle dans le manteau du Christ l’empêchant de monter au Ciel
  • De ceux parmi les exégètes qui savent toujours tout…
  • De la pieuse unilatéralité
  • Asharî exige un maximum de vertu, sur la base d’un minimum d’intelligibilité métaphysique ou simplement logique de Dieu
  • Pour Asharî, le mal vient de Dieu au même titre que le bien
  • Retour aux pieux excès de langage que semble autoriser le point de vue de la foi
  • Ghazâli sur Abû Bakr
  • Paradoxe d’une perspective de crainte qui ne s’est pas opposée au mariage ni même à la polygamie
  • De la confiance
  • Aspect parfois plus apparent que réel de l’incohérence de la morale soufie
  • Du “Dieu me suffit”
  • Des deux subjectivités spirituelles, individu empirique et esprit
  • Retour sur la question des outrances moralistes ou ascétiques
  • Exemples tirés de la “Vie des saints andalous”
  • Les soufis qui donnent l’impression de se désintéresser de l’exactitude des faits et des impératifs de la logique
  • Aryen et Sémite
  • Du culte oriental du symbole/du culte occidental du fait
  • N’y-a-t-il qu’une alternative entre un langage crédule et indiscipliné de la “foi” et un langage sceptique et pédant de la “raison”?
  • Distinction à faire entre l’imagerie débordante du fidéisme et l’inspiration symboliste objectivante
  • De l’excès contraire chez les sophistes et scientistes grecs
  • Raisonnements parfaitement formulés de certains penseurs profanes et intellections mal exprimées de certains gnostiques
  • Du fidéisme hanbalite, réfractaire, jusqu’à l’absurde, à toute interprétation symboliste des images koraniques
  • Paradoxe d’Ibn Arabî soutenant parfois le fidéisme hanbalite
  • Tafsîr et ta’ wîl
  • Présence de mesures ascétiques pour gens passionnels (donc non-qualifiés) dans le semi-ésotérisme
  • De quoi a besoin un Occidental désireux de suivre une voie ésotérique?
  • Inutile d’imposer au “pneumatique” des attitudes qui n’ont pour lui aucun sens
  • Conception, méditation, concentration, conformation
  • Degré d’inspiration dans Koran et dans un livre mystique
  • Qu’est-ce que le sentimentalisme?
  • Une des raisons de l’incohérence de certains écrits soufis : le mystique écrit en état d’extase
  • Logique d’amoureux dans un climat ardemment religieux
  • De la diversité de l’ “âme arabe”
  • La clef de bien des énigmes dans le domaine de la pensée spirituelle : Dieu exige des hommes qu’ils soient pieux et vertueux et non intelligents
  • Rôle du Saint-Esprit

Prémisses humaines d’un dilemne religieux

  • Rendre accessibles les vérités transcendantes sans les trahir
  • Les religions s’adressent à tous et non aux seuls contemplatifs
  • Comment s’affirme l’élément “intellection” ou “contemplation” en Islam?
  • De la mentalité prudente et réaliste des négociants et des caravaniers
  • Précision sur le caractère du vaishya
  • De l’accentuation de la portée des observances extérieures
  • Pieuse agitation, pieux resserrement
  • Du conventionalisme du vaishya
  • Un certain conflit, dans l’âme arabe, entre la mentalité du “chevalier” et celle du “marchand”
  • Des ahâdîth comme source du karma-yoga méticuleux et empressé qui voile l’ésotérisme
  • Valeur cependant de l’imitation méticuleuse des moindres faits et gestes du Prophète
  • De la Sounna
  • Précision sur les relations entre les “castes” typologiques et non sociales ou de classe
  • Les déséquilibrés, les équilibrés, les disciplinés et les nobles
  • L’homme “Serviteur” et “Vicaire” d’après le Koran
  • “Soufisme” peut signifier le fanatisme le plus plat aussi bien que la spéculation la plus profonde

Sur les traces de la notion de philosophie

  • Ibn Arabî, Jîlî et autres théoriciens du Soufisme furent-ils des philosophes?
  • Qu’est la sagesse selon Pythagore, Héraclite, Platon, Aristote?
  • Le mot “philosophe” n’a donc rien de limitatif
  • Penseurs profanes et philosophie au sens propre
  • Du sensualisme de Saint Thomas
  • Du philosophe chez Ibn Arabî
  • Quelques mots à la défense des philosophes arabes
  • Exemple de la question de l’éternité du monde
  • De la critique de Ghazâlî contre la philosophie hellénisante
  • C’est en penseur et non en gnostique qu’Ibn Arabî a traité le problème du mal
  • C’est en gnostique qu’il a traité la question de la liberté
  • Différence relative ou totale, selon les rapports, entre la philosophie et la gnose
  • Sens péjoratif de la philosophie lorsque celle-ci part du doute plutôt que de la certitude
  • Théorie et prise de conscience par le “coeur”
  • Du problème de l’infaillibilité et de la question de savoir si l’homme est condamné par sa nature à se tromper
  • Pas d’infaillibilité englobant tous les ordres contingents possibles
  • Infaillibilité et rôle du Saint-Esprit

L’ésotérisme quintessentiel de l’Islam

  • Les trois parties constitutives de l’Islam : ImâmIslâm et Ihsân
  • Qu’est-ce que l’Ihsân?
  • Place de l’ésotérisme quintessentiel dans l’Ihsân
  • Exemple de métaphysique moralisante
  • De la littérature soufie et de l’impression moyenne qu’elle donne
  • Comment l’Islam voit-il les deux autres religions sémitiques?
  • Du premier Témoignage de foi : exposé métaphysique
  • Du second Témoignage
  • Du sens du mot Rasûl
  • Du ternaire classique dhâkir, dhikr, madhkûr
  • De la “Bénédiction du Prophète”
  • Du sens du mot “illâ
  • Du nom Allâh
  • Du nom Mohammed
  • À propos du monisme ontologique d’Ibn Arabî
  • D’une manière gnostique de voir le mal
  • De la fonction du mal
  • Signification métaphysique ou mystique des versets du Koran, danger des interprétations forcées
  • Du caractère discontinu, allusif et elliptique du Koran
  • Des “signes” koraniques en eux-mêmes
  • Choix de versets koraniques et d’ahâdîth
  • De la lecture psalmodiée du Koran
  • À propos d’un reproche fait à Ibn Arabî
  • Tous les autres “piliers” de la religion n’ont de sens que par rapport au double Témoignage
  • De l’explication ésotérique des positions corporelles de la prière musulmane
  • Du Nom Allâh comme quintessence de la prière
  • Du souvenir de Dieu dans le Koran
  • Dhikr et Jihâd (combat spirituel)
  • Le Dhikr contient toute la Loi
  • L’Essence unit parce qu’elle est une.
  • Crainte, Amour, Connaissance, et interrelations entre les trois
  • Pôle statique et dynamique de la crainte et de l’amour
  • Pôle objectif et subjectif de la Connaissance
  • De la tendance du Soufisme classique d’obtenir des résultats cognitifs par des moyens volitifs
  • Comment le Koran présente-t-il les Prophètes antérieurs?
  • De Maryam
  • Le soufi, “fils du moment”
  • Tout le Soufisme dans ces quatre mots : Vérité, Coeur, Souvenir, Pauvreté

Dimensions hypostatiques de l’Unité

  • Synthèse métaphysique du symbolisme ésotérique de la Shahâdah
  • Racine de tout le problème de la création ou de la manifestation universelle
  • Des définitions premières de la nature divine : Absolu, Infini, Perfection
  • Qu’est ce que la divine Perfection?
  • Reflet de cette doctrine dans la progression du nombre
  • JalâlJamâl et Kamâl (Majesté, Beauté, Perfection)
  • Formule trinitaire en tête de chaque sourate (Au Nom de Dieu, le Clément, le Miséricordieux)
  • L’extériorité divine et l’intériorité
  • Certitude, sérénité et foi ; Lumière, Paix et Vie