Quelque part que soit la vertu en éminent degré, elle est persécutée. Bien peu, peut-être aucun des grands hommes passés n’a pu échapper aux traits de la calomnie.

Cervantes

Le monde aime à noircir ce qui rayonne et à traîner le sublime dans la poussière.

Schiller

Malheureusement, «les calomnies faisaient partie de façon récurrente de la vie de Schuon, comme c’est le cas pour presque toutes les personnalités éminentes dont les opinions ont un impact sur la vie d’autrui». [1]

«Un exemple extrême d’une attaque personnelle à l’encontre de Frithjof Schuon fut celle qui eut lieu en 1991 quand un disciple voulut que celui-ci conférât à sa relation adultère une soi-disant ‹bénédiction ésotérique›; Schuon refusa et lui ordonna de rompre. L’homme décida de se venger en présentant de fausses accusations à un procureur adjoint, le procureur en chef étant absent. Sur la base de ces allégations, des accusations criminelles furent portées à l’encontre de Schuon et un procès fut intenté. Il se solda par un non-lieu, d’une part faute de preuves et d’autre part par manque de crédibilité de l’accusateur dont le casier judiciaire faisait état de traitements psychologiques ordonnés par un tribunal. Lorsque le procureur en chef prit connaissance du dossier, il força son adjoint à démissionner et le fonctionnaire en charge de l’enquête fut transféré dans une autre ville. [2]

«L’accusateur, confirmant sa volonté de ‹détruire Schuon et son œuvre›, diffusa par la suite un document contenant les mêmes allégations fallacieuses, qui laisseront un cortège de rumeurs et de ragots.» [3]


«Curieusement, en son temps, Shri Râmana Maharshi — mais il est loin d’être le seul [4] — avait été lui aussi confronté à des accusations assez similaires de la part d’un ancien disciple et une procédure tout à fait analogue avait été diligentée. L’accusateur avait perdu le procès mais avait continué sa campagne de diffamation avec cette haine névrotique et obsessionnelle propre à certains individus ténébreux. Lorsqu’on est peu familier de l’atmosphère des ashrams, monastères ou communautés spirituelles, on peut s’étonner de la présence de tels personnages dans la proximité des maîtres spirituels. Dans ses mémoires, Vijayânanda, un vieux disciple français de Ma Ânanda Moyi, évoque aussi ces bhûta (mauvais esprits), ces ‹gens impossibles›, toujours critiques, médiocres, psychopathes ou paranoïaques crépusculaires qu’attire irrésistiblement la lumière et dont l’entourage de la grande sainte indienne n’était non plus exempt.» [5]


«Vous connaissez sans doute la règle soufique, citée par al-Qushaïrî, selon laquelle le disciple ne doit jamais regarder les actes de son maître d’un mauvais œil, ‹même s’il croit le surprendre en flagrant adultère›. On pourrait dès lors se demander: en quoi donc le disciple reconnaît-il l’orthodoxie du maître? La réponse est celle-ci: dans tout ce qui concerne le disciple lui-même et non pas dans ce qui concerne seulement le maître. On adhère à un maître en vertu des Vérités divines qu’on retrouve dans son enseignement et dans sa méthode. C’est en nous fiant à cela que nous ‹obligeons› Dieu à notre égard; Dieu ne nous trompera pas; Il n’exige pas de nous que nous analysions les actes personnels du maître, que nous fassions de la ‹psychologie›, mais s’Il veut nous montrer la fausseté du maître, Il nous la montrera sur le plan même de ces Vérités divines en vertu desquelles nous avons adhéré au maître.»

Extrait d’une lettre de Titus Burckhardt de 1951; dans Le Dossier H – Frithjof Schuon, Éditions L’Âge d’Homme, Suisse, 2002, p. 462.


Il faut accepter la ‹volonté de Dieu› quand le mal entre dans le destin et qu’il n’est pas possible de lui échapper; en effet, la nature partiellement paradoxale de la Toute-Possibilité exige de la part de l’homme une attitude conforme à cette situation, à savoir la qualité de sérénité, dont le ciel au-dessus de nous est le signe visible. La sérénité, c’est pour ainsi dire se tenir au-dessus des nuages, dans le calme et la fraîcheur du vide et loin de toutes les dissonances de ce bas monde.

F. schuon, racines de la condition humaine, p.168

Notes

[1] Frithjof Schuon – Messenger of the Perennial Philosophy, de Michael Oren Fitzgerald, World Wisdom, É.-U., 2010.
[2] «Selon The Herald Times de Bloomington, le procureur déclara qu’hormis le témoignage d’un individu, ‹il n’y a pas un seul élément de preuve […] à l’encontre de Schuon […] une erreur s’est produite.› (21.11.1991). Le procureur reconnut également que ‹Schuon mérite des excuses […] une erreur a été commise par mon département […] le système a dysfonctionné.› (interview du 21.11.1991 sur WTHR, canal 13). Quelques jours plus tard, l’éditorial principal de ce même journal titrait: ‹L’affaire Schuon, un simulacre de procès› et critiquait vertement l’inattention du procureur, occupé hors-ville par sa propre campagne politique (26.11.1991).
[3] Ibid.
[4] Dans un contexte différent, mais qui ressort de la même origine, Sainte Thérèse d’Ávila fut, par exemple, attaquée devant un tribunal de l’Inquisition par l’une de ses anciennes moniales pour de prétendus mauvais traitements et des pratiques suspectes. [Note de l’éditeur: On pourrait également citer Padre Pio, le Curé d’Ars et bien d’autres grandes figures spirituelles.]
[5] Jean-Baptiste Aymard, «Approche biographique» in Connaissance des Religions, numéro hors série Frithjof Schuon, 1999.