Sommaire


Quelle est la réponse à l’évolutionnisme?

L’évolutionnisme transformiste (…) n’est que le succédané matérialiste du concept antique de la «matérialisation» solidifiante et segmentante d’une substance primordiale subtile et supra-sensible, dans laquelle étaient préfigurées toutes les possibilités du monde a posteriori matériel; la réponse à l’évolutionnisme, c’est la doctrine des archétypes et des «idées», celles-ci relevant de l’Être pur — ou de l’Intellect divin — et ceux-là de la substance primordiale dans laquelle les archétypes «s’incarnent» par une sorte de réverbération.

Schuon, Logique et Transcendance, 1982,
«La contradiction du relativisme», p. 20-21, note 1.


Le meilleur argument contre l’évolutionnisme?

Si un développement naturel aboutit à une intelligence réflexive, à une prise de conscience qui perçoit le développement en tant que tel, cet aboutissement sera une réalité sortant totalement de l’ordre de cette évolution, si bien qu’il n’y aura plus aucune mesure entre la prise de conscience et le mouvement tout contingent qui l’a précédée, et qui, de ce fait même, ne pouvait en aucun cas être la cause de la conscience dont il s’agit. Cet argument est d’ailleurs la négation même de l’évolutionnisme transformiste, donc de toute notion d’un «homme-chaînon» ou d’un «homme-hasard», et par conséquent, de toute mystique de matière génératrice, de biosphère, de noosphère, de «point oméga».

Schuon, Logique et Transcendance, 1982,
«La contradiction du relativisme», p. 20.

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Existe-t-il dans le futur un surhomme meilleur que le Christ? [Teilhard de Chardin]

Certains imaginent, avec une inconscience infiniment coupable quand ils se disent «croyants», un surhomme devant effacer l’homme, et qui rendrait méprisable par conséquent aussi l’humanité du Christ; et tel «génie» imagine au bout de la chaîne évolutive et progressiste quelque chose qu’il n’a pas honte d’appeler «Dieu» et qui n’est qu’un pseudo-absolu paré d’une pseudo-transcendance; car l’Éternel sera toujours l’Alpha et a toujours été l’Oméga.

Schuon, Logique et Transcendance, 1982,
«Des preuves de Dieu», p. 80.

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Pourquoi les évolutionnistes ne croient qu’à l’existence de la matière?

À première vue, on pourrait croire que l’aboutissement de la projection cosmogonique est la matière; celle-ci apparaît en effet comme le «point de chute» de la trajectoire existenciante, mais elle ne l’est que sous un certain rapport, celui de la Substance cosmique, dont elle est le mode le plus extériorisé et le plus contingent; il en est ainsi du moins pour notre monde sensoriel, car on peut concevoir des substances indéfiniment plus «solidifiées» que la matière qui relève de notre cosmos spatial. [1]

[1] Pour les évolutionnistes, cette matière est le théâtre même — ou la substance initiale — de la Possibilité universelle; des concepts gratuits tels que ceux de «biosphère» ou de «noosphère» n’ajoutent rien qui puisse atténuer cette erreur, dont les effets sont incalculables.

Schuon, Le jeu des masques, 1992,
«L’homme dans la projection cosmogonique», p. 30-31.

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Dans quel cas l’évolutionnisme aurait-il raison?

L’évolutionnisme aurait raison si un arbre pouvait produire autre chose, et mieux, que ce qui est contenu dans sa semence; si les fruits de l’arbre étaient, non la manifestation de ce que contient la semence, mais le résultat d’une évolution imprévisible et variable suivant les circonstances; si c’était par hasard qu’un pommier produit des pommes et non des figues. Les phénomènes d’évolution et de transmutation existent dans les limites de certaines contingences, sans quoi la semence ne deviendrait pas arbre et une plante ne changerait jamais de forme sous certaines conditions, telle qu’un changement de terre ou de climat; mais ces deux facteurs — évolution et transmutation — sont tout à fait secondaires par rapport au principe d’anticipation qualitative des effets dans la cause. Ces vérités prennent une importance particulière quand il s’agit de Révélation et de traditions, car la moindre erreur sur ce plan est comme une dévastation de l’âme et de l’intelligence.

Schuon, Trésors du Bouddhisme, 1997,
«Originalité du Bouddhisme», p.34.

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Est-il possible que l’homme descende du singe?

… nous sommes fort loin d’admettre la théorie «bouche-trou» de l’évolutionnisme transformiste. L’homme originel ne fut pas un être simiesque à peine capable de parler et de se tenir droit; ce fut un être quasi immatériel, enfermé dans une aura encore céleste mais déposée sur la terre, semblable au «char de feu» d’Élie et au «nuage» qui enveloppa le Christ lors de l’ascension. C’est dire que notre conception de l’origine du genre humain se fonde sur la doctrine de la projection des archétypes ab intra; notre position est donc celle de l’émanationisme classique — dans le sens néoplatonicien ou gnostique du terme — lequel évite l’écueil de l’anthropomorphisme tout en s’accordant avec la conception théologique de la creatio ex nihilo. L’évolutionnisme, lui, est la négation même des archétypes et par conséquent de l’Intellect divin; c’est donc la négation de toute une dimension du réel, celle de la forme, du statique, de l’immuable; concrètement parlant, c’est comme si on voulait faire un tissu avec la seule trame, en omettant la chaîne.

Schuon, Avoir un centre, 1988,
«Tour d’horizon d’anthropologie», p. 52.

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Comment faut-il se représenter la création de l’univers et de l’homme?

Il faudrait donc se représenter la création — ou «les créations» — non comme un transformisme s’effectuant dans la «matière» au sens naïvement empirique de ce mot, mais plutôt comme une élaboration animique, c’est-à-dire un peu comme les productions plus ou moins discontinues de l’imagination; les images surgissent, dans l’âme, d’une substance informelle, sans liens apparents entre elles; ce ne sont pas les images qui se transforment, c’est la substance animique qui fait surgir et qui crée.

Que l’homme apparaisse comme l’aboutissement logique, non d’une évolution, certes, mais d’une série d’«ébauches» centrées de plus en plus sur la forme humaine — et dont les singes semblent être des vestiges disparates — ce fait ou cette hypothèse, disons-nous, ne signifie nullement qu’il y ait une commune mesure, donc une sorte de continuité psychologique entre l’homme et les corps anthropomorphes et en quelque sorte «embryonnaires» qui ont pu le précéder. L’avènement de l’homme est une «descente» subite de l’Esprit dans un réceptacle parfait et définitif, parce que conforme à la manifestation de l’Absolu; l’absoluité de l’homme est semblable à celle du point géométrique, qui, à rigoureusement parler, ne saurait être atteint quantitativement à partir de la circonférence.[1]

[1] La même chose se répète dans la matrice: dès que le corps est formé, l’âme immortelle s’y fixe subitement comme l’éclair en sorte qu’il y a parfaite discontinuité entre cet être nouveau et les phases embryonnaires qui ont préparé son avènement. On a fait valoir très justement contre le transformisme, non seulement que «le plus ne peut pas sortir du moins»(Guénon), mais aussi que, si quelque chose d’existant peut se préciser ou s’atrophier, il ne peut par contre y avoir de motif, dans une espèce, pour l’adjonction d’un élément nouveau, sans parler de ce que rien ne garantirait le caractère héréditaire d’un tel élément (selon Schubert-Soldern).

Schuon, Les stations de la Sagesse, 1992,
«Des manifestations du Principe Divin», pp. 121-122.

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L’évolutionnisme, une incapacité de voir les choses autrement qu’en surface plane

L’évolutionnisme (…) cet enfant le plus typique de l’esprit moderne, n’est qu’une sorte de succédané: c’est la compensation «en surface plane» pour les dimensions manquantes; parce qu’on ne conçoit plus, et ne veut plus concevoir, les dimensions suprasensibles allant de l’extérieur vers l’intérieur à travers les états «ignés» et «lumineux» [1] jusqu’au Centre divin, on cherche la solution du problème cosmogonique sur le plan sensible et on remplace les vraies causes par des causes imaginaires, et conformes, en apparence du moins, aux possibilités du monde matériel.

On met à la place de la hiérarchie des mondes invisibles, et à la place de l’émanation créatrice, — laquelle ne s’oppose du reste aucunement à l’idée théologique de la creatio ex nihilo, mais en explique au contraire la signification, — l’évolution et le transformisme des espèces, et du même coup le progrès humain, seule réponse possible au besoin de causalité des matérialistes; ce faisant, on oublie ce qu’est l’homme, et on oublie également qu’une science purement physique, dans la mesure même où elle est vaste, ne peut mener qu’à la catastrophe, soit par la destruction violente soit par la dégénérescence, ce qui aboutit pratiquement au même.

[1] La chaleur et la lumière symbolisent respectivement les états animique et angélique.

Schuon, Forme et substance dans les religions, 1975,
«Les cinq Présences divines», p. 63-64.

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L’évolutionnisme enferme toute la causalité dans le monde matériel

Il y aurait bien des choses à dire sur les procédés et les modalités de la divine Omnipotence. Dans le cas du miracle, Dieu projette quelque chose de lui-même dans le monde, il modifie le cours naturel des choses par sa Présence; dans d’autres cas, qui ne sortent pas à proprement parler de ce cours, la divine Présence est moins directe, ou plus indirecte si l’on préfère, car l’entrée de Dieu dans le monde ne saurait signifier que la Personne divine y entre avec sa substance même, laquelle réduirait l’Univers en cendres. C’est dire que dans l’ordre des manifestations de la Puissance divine, il s’agit de distinguer entre les dimensions «horizontale» et «verticale», celle-ci étant surnaturelle, et celle-là, naturelle; pour les matérialistes, seule la dimension horizontale existe, et c’est pour cela qu’ils ne peuvent pas concevoir des causes qui agissent à partir de la verticale et qui, de ce fait, sont inexistantes pour eux comme la dimension verticale elle-même.[1]

[1] Relevons ici que l’erreur évolutionniste a son fondement dans ce préjugé. Au lieu de concevoir que les créatures sont des archétypes qui s’«incarnent» dans la matière à partir de l’Intellect divin et en passant par un plan subtil ou animique, on enferme toute la causalité dans le monde matériel, en ignorant délibérément les contradictions flagrantes que cette «planimétrie» conceptuelle implique.

Schuon, Résumé de métaphysique intégrale, 1985,
«Dimensions de la Toute-Puissance», p. 44.

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L’évolutionnisme a-t-il jamais été démontré?

On nous dira … que la réalité d’un Dieu créateur n’a pas été démontrée; mais, outre qu’il n’est pas difficile de démontrer cette réalité avec des arguments proportionnés à sa nature, — mais inaccessibles pour cette raison même à certains esprits, — le moins qu’on puisse dire est que l’évolution n’a jamais été démontrée par qui que ce soit, et pour cause; on admet l’évolution transformante à titre de postulat utile et provisoire, comme on admettra n’importe quoi, pourvu qu’on ne sente pas obligé d’admettre la primauté de l’Immatériel, puisque celui-ci échappe au contrôle de nos sens.

Quand on part de la constatation de ce mystère immédiatement tangible qu’est la subjectivité ou l’intelligence, il est pourtant facile de concevoir que l’origine de l’Univers est, non la matière inerte et inconsciente mais une Substance spirituelle qui, de coagulation en coagulation et de segmentation en segmentation, — et autres projections à la fois manifestantes et limitatives, — produit en fin de compte la matière en la faisant émerger d’une substance plus subtile, mais déjà éloignée de la Substance principielle.

On nous objectera qu’il n’y a cela aucune preuve, à quoi nous répondons — outre que le phénomène de la subjectivité comporte précisément cette preuve, abstraction faite d’autres preuves intellectuelles possibles, mais dont l’Intellection n’a nul besoin, — à quoi nous répondons donc qu’il y a infiniment moins de preuves à cette absurdité inconcevable qu’est l’évolutionnisme, lequel fait sortir le miracle de la conscience d’un tas de terre ou de cailloux, métaphoriquement parlant.

Schuon, Du Divin à l’humain, 1981,
«Conséquences découlant du mystère de la subjectivité», p.11-12.

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Qu’est-ce que prouve le phénomène de la subjectivité?

(…) le phénomène de la subjectivité (…) prouve par sa simple existence l’inanité de la thèse évolutionniste et transformiste (…) Il ne faut pas se lasser de l’affirmer: l’origine de la créature n’est pas une substance du genre de la matière, c’est un archétype parfait et immatériel: parfait et par conséquent sans nul besoin d’évolution transformante; immatériel et par conséquent ayant son origine dans l’Esprit et non dans la matière.

Schuon, Du Divin à l’humain, 1981,
«Aspects du phénomène théophanique de la conscience», p.22.

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Si les évolutionnistes ont raison, la vie vaut-elle la peine d’être vécue?

Si les évolutionnistes ont raison, le phénomène humain ne s’explique pas et la vie humaine ne vaut pas la peine d’être vécue. C’est d’ailleurs à ces conclusions qu’ils arrivent en fin de compte, d’où leur axiome de l’absurdité de l’existence; c’est-à-dire qu’ils attribuent à l’objet, qui leur est inaccessible, l’absurdité du sujet, qu’ils ont choisi de propos délibéré en suivant la pente de l’animalité, non innocente, mais humaine.

Schuon, Du Divin à l’humain, 1981,
«Aspects du phénomène théophanique de la conscience», p.23.

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La forme humaine peut-elle être dépassée?

La forme humaine ne saurait être dépassée, sa raison suffisante étant précisément d’exprimer l’Absolu, donc l’indépassable; et ceci coupe court aux imaginations métaphysiquement et physiquement aberrantes des évolutionnistes, selon lesquelles cette forme serait le résultat d’une lente élaboration à partir de formes animales, élaboration à la fois arbitraire et illimitée. Même ceux parmi les matérialistes qui estiment que l’évolution transformante est inexplicable et même contradictoire, acceptent cette hypothèse à titre d’idée indispensable, ce qui d’ailleurs nous sort de la science et nous introduit dans la philosophie, ou plus exactement dans le rationalisme avec ses raisonnements coupés des racines même de la connaissance; et si l’idée évolutionniste leur est indispensable, c’est parce que dans leur esprit elle remplace le concept d’une subite création ex nihilo, lequel leur paraît être la seule autre solution possible. En réalité, l’hypothèse évolutionniste est inutile parce que le concept créationniste l’est; car la créature apparaît sur terre, non en tombant du ciel, mais en passant progressivement – à partir de l’archétype – du monde subtil dans le monde matériel, la matérialisation s’opérant dans une sorte d’aura visible tout à fait comparable aux «sphères de lumière» qui, selon maints récits, introduisent et terminent les apparitions célestes. [1]

[1] On se souviendra du «char de feu» qui enleva Élie, et du «nuage» qui voila le Christ lors de l’ascension.

Schuon, Du Divin à l’humain, 1981,
«Le message du corps humain», p.92.

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Quelle est la signification de l’existence du singe?

Le singe (…) est là pour montrer ce qu’est l’homme et ce qu’il n’est pas, et non certes ce qu’il a été; loin de pouvoir être une forme virtuelle de l’homme, le singe incarne un désir animal d’être humain, donc un désir d’imitation et d’usurpation; mais il se trouve comme devant une porte fermée et retombe d’autant plus lourdement dans son animalité, dont il ne recouvre pourtant plus la parfaite innocence, si l’on peut user d’une pareille métaphore; c’est comme si l’animal, avant la création de l’homme et pour protester contre cette création, avait voulu l’anticiper, ce qui évoque le refus de Lucifer de se prosterner devant Adam, selon le Talmud et le Koran.

Schuon, Du Divin à l’humain, 1981,
«Le message du corps humain», p.101.

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Que devient l’intelligence séparée de sa source supra-individuelle?

L’intelligence séparée de sa source supra-individuelle s’accompagne ipso facto de ce manque de sens des proportions qu’on appelle l’orgueil; inversement, l’orgueil empêche l’intelligence devenue rationalisme de remonter à sa source; il ne peut que nier l’Esprit et le remplacer par la matière; c’est de celle-ci qu’il fait jaillir la conscience, dans la mesure où il ne peut la nier en la réduisant — et les essais ne manquent pas — à une sorte de matière particulièrement raffinée ou «évoluée» [1]. Plutôt que de s’incliner devant l’évidence de l’Esprit, la raison orgueilleuse niera sa propre nature qui pourtant lui permet de penser; dans ses conclusions concrètes, elle manque autant d’imagination et de sens des proportions que de perspicacité intellectuelle, et c’est là précisément une conséquence de son orgueil. Corruptio optimi pessima: c’est ce que prouve, une fois de plus, la monstrueuse disproportion entre l’habileté de la raison devenue luciférienne et la fausseté de ses résultats; on gaspille des torrents d’intelligence pour escamoter l’essentiel et pour prouver brillamment l’absurde, à savoir que l’esprit a fini par surgir d’un monceau de terre — ou disons d’une substance inerte — à travers des milliards d’années dont la quantité, au regard du résultat supposé, est dérisoire et ne prouve rien. Il y a là une perte du sens commun et une perversion de l’imagination qui, à rigoureusement parler, n’ont plus rien d’humain, et qui ne peuvent s’expliquer que par le parti pris scientiste bien connu de tout interpréter par le bas; d’échafauder n’importe quelle hypothèse, pourvu qu’elle exclue les causes rélles, lesquelles sont transcendantes et non matérielles, et dont la preuve concrète et tangible est notre subjectivité, précisément.

[1] Que l’on parle d’«énergie» plutôt que de «matière» — et autres subtilités de ce genre — ne change rien au fond du problème et ne fait que reculer les limites de la difficulté. Notons qu’un soi-disant «sociobiologiste» — ce mot est tout un programme — a poussé l’ingéniosité jusqu’à remplacer la matière par des «gênes» dont l’égoïsme aveugle, combiné avec un instinct de fournis ou d’abeilles, aurait fini par constituer non seulement les corps mais aussi la conscience et en fin de compte l’intelligence humaine, miraculeusement capable de disserter sur les gênes qui se sont amusés à la produire.

Schuon, Du Divin à l’humain, 1981,
«Conséquences découlant du mystère de la subjectivité», p.15-16.

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Si tout a commencé par la matière

Si tout a commencé par la matière et s’il n’y a pas d’Esprit, donc pas de Dieu, comment s’expliquer que les hommes aient pu croire fermement le contraire pendant des millénaires, et qu’ils aient même déployé un maximum d’intelligence à l’affirmer et un maximum d’héroïsme à le vivre? On ne saurait invoquer le progrès, car les incroyants de tous genres sont loin d’être supérieurs aux croyants et aux sages, et on ne voit nulle part un passage évolutif de ceux-ci à ceux-là; les idées matérialistes se sont manifestées et répandues pour ainsi dire sous nos yeux — dès le «siècle des lumières» — sans qu’il soit possible de constater là une évolution dans le sens d’une ascension qualitative à la fois intellectuelle et morale, bien au contraire.

Schuon, Du Divin à l’humain, 1981,
«Conséquences découlant du mystère de la subjectivité», p.17.

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Comment les évolutionnistes jugent-ils la religion?

Ceux qui soutiennent l’argument évolutionniste d’un progrès intellectuel aiment à expliquer les idées religieuses et métaphysiques par des facteurs psychologiques inférieurs, tels que la peur de l’inconnu, l’espoir infantile d’un bonheur perpétuel, l’attachement à une imagerie devenue chère, l’évasion dans les rêves, le désir d’opprimer autrui à bon compte, et caetera; comment ne voit-on pas que de tels soupçons, présentés sans vergogne comme des faits démontrés, comportent des inconséquences et impossibilités psychologiques qui n’échappent à aucun observateur impartial ? Si l’humanité a été stupide pendant des millénaires, on se s’explique pas comment elle a pu cesser de l’être, d’autant que ce fut dans un laps de temps relativement très court ; et on se l’explique d’autant moins quand on observe avec quelle intelligence et quel héroïsme elle a été stupide pendant si longtemps et avec quelle myopie philosophique et quelle décadence morale elle est devenue enfin «lucide» et «adulte». [1]

[1] Un trait caractéristique de «notre temps» est qu’on attache partout «la charrue devant les boeufs»: ce qui normalement devrait être le moyen devient la fin, et inversement. Les machines sont censées être là pour les hommes, mais en fait les hommes sont là pour les machines; alors qu’autrefois les routes étaient là pour les villes, maintenant le villes sont là pour les routes; au lieu que les mass media soient là pour la «culture», celle-ci est là pour les mass media, et ainsi de suite. Le monde moderne est un enchevêtrement inextricable de roulements que personne ne peut arrêter.

Schuon, Du Divin à l’humain, 1981,
«Conséquences découlant du mystère de la subjectivité», pp.17-18.

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