En quoi consiste la valeur spirituelle effective — non virtuelle seulement — d’un homme pour lequel la question peut ou doit se poser ? Est-ce en son intelligence, son discernement, sa connaissance métaphysique ? Evidemment non, si cette connaissance ne se combine pas avec une volonté réalisatrice et avec une vertu globale qui soient au moins suffisantes. Est-ce en sa volonté réalisatrice, sa puissance de concentration ? Non, si celle-ci ne se combine pas avec le minimum nécessaire de connaissance doctrinale et de vertu. Et la valeur spirituelle ne consiste pas davantage dans la vertu si celle-ci ne s’accompagne pas d’une compréhension doctrinale au moins satisfaisante ni d’un effort réalisateur équivalent.
Tout ceci revient à dire que la valeur spirituelle d’un homme est, non dans un degré éminent soit de discernement, soit de concentration, soit encore de vertu, mais dans un degré au moins suffisant de ces trois capacités. Or ce degré suffisant implique que la capacité offre l’essentiel : il faut par conséquent que la connaissance, pour être suffisante, contienne ce qui est indispensable, et de même pour l’effort et la vertu, mutatis mutandis.
De toute évidence, la science intellectuelle la plus brillante est vaine en l’absence de l’initiative réalisatrice correspondante et en l’absence de la vertu nécessaire ; autrement dit, la science n’est rien si elle se combine avec la paresse spirituelle et avec la prétention, l’égoïsme, l’hypocrisie. De même, la puissance de concentration la plus prestigieuse n’est rien si elle s’accompagne d’ignorance doctrinale et d’insuffisance morale ; de même encore, la vertu naturelle est peu de chose sans la vérité doctrinale et la pratique spirituelle qui la mettent en valeur en vue de Dieu et qui lui restituent ainsi toute sa raison d’être.
Schuon, L’ésotérisme comme principe et comme voie, Dervy-Livres, 1978, p. 164.