Quand on compare la qualité de « connaissance » au feu, on ne conçoit (…) pas que cette comparaison puisse rendre compte parfaitement et exhaustivement de la nature de l’intelligence métaphysicienne et de son activité réalisatrice : en effet, le feu en lui- même, à part ses qualités de luminosité et d’ascension, comporte également un aspect d’agitation et de destructivité, et c’est cet aspect (…) qui prouve que la « connaissance-feu » ne se suffit pas à elle-même, quelle a par conséquent un impérieux besoin d’une « connaissance-eau », laquelle n’est autre que la foi avec toutes ses vertus fixatives et apaisantes.*
L’intelligence la plus pénétrante, si elle s’appuie trop sur ses propres forces, risque de se trouver abandonnée par le Ciel ; oubliant que le Sujet connaissant est Dieu, elle se ferme à l’influx divin. Est profane, non seulement la pensée qui ignore les vérités métaphysiques et mystiques, mais aussi celle qui, tout en connaissant ces vérités à un degré théoriquement suffisant, les aborde pourtant d’une manière disproportionnée, c’est-à-dire sans une adaptation suffisante de l’âme ; non qu’une telle pensée soit profane par définition comme la précédente, mais elle l’est secondairement ou moralement et s’expose gravement à l’erreur, car l’homme n’est pas qu’un miroir, il est un cosmos à la fois complexe et fragile. La connexion — souvent affirmée traditionnellement — entre la Connaissance et la Paix, montre à sa manière qu’en intellectualité pure l’élément mathématique n’est pas tout, et aussi, que le feu ne saurait être à lui seul le symbole de la pure intellectualité.
* « Il n’y a pas d’eau lustrale pareille à la connaissance », dit la Bhagavadgîtâ : c’est ici l’eau, et non le feu, qui est mis en rapport avec le jnâna.
Schuon, Logique et transcendance, Édition Traditionnelles, 1982, pp. 225-226.